Comment ne pas y avoir pensé plus tôt! Le rugby se définit notamment par son ballon ovale, plus difficile à manipuler, qu’on se transmet avec les pieds ou avec les mains. Or l’entraînement explicite au toucher de la balle apparaît comme une innovation en août 2024.
Adoptant la perception oculaire des spectateurs, les rédacteurs de Var matin, Rugbynistère et blog-rct.com s’interrogent sur les huit «drôles de ballons verts», «d’une couleur différente», «originale», qu’utilise le Rugby Club Toulonnais lors de ses entraînements professionnels: s’agirait-il de «développer d’éventuels repères visuels»? En réalité, la couleur signale qu’ils «ont tous une particularité», et cette particularité est… tactile! L’un des entraîneurs, Maxime Petitjean, explique: «Certains sont ultralégers, d’autres ultralourds. On en a également des “sans grip », et d’autres avec de l’eau à l’intérieur. Le piège, c’est que comme ils ont tous le même aspect visuel, le joueur ne sait pas lequel il va recevoir. Ça l’oblige à une concentration de tous les instants».
Un autre, Andrea Masi, précise: «ça développe la sensibilité des mains, le toucher des joueurs. Ils doivent se préparer à recevoir n’importe quel ballon et à le transmettre sans que ça ne fasse de différence. Alors que tu n’appuies pas la passe de la même manière entre un ballon moitié moins lourd que d’habitude, et un ballon rempli d’eau. Ça leur permet de se préparer à d’éventuelles conditions qu’ils retrouveront en match, même si les ballons ne sont jamais aussi lisses, lourds ou trempés. (…] entre l’instant où il reçoit le ballon et celui où il fait la passe, ce qui dure moins d’une seconde, le joueur doit prendre l’info, l’analyser et la transmettre. Car c’est impératif de dire à son coéquipier s’il va recevoir un ballon mouillé, par exemple».
Un troisième membre de l’encadrement, Richie Gray, raconte: « l’idée m’est venue lors d’un voyage au Brésil, il y a cinq, six ans. Je me suis rendu compte que les ballons de foot [classique, en plein air] et de futsal [sur terrain fermé] se ressemblaient mais ne répondaient pas de la même manière, que le toucher n’était pas le même pour le pied. Je me suis alors dit que ça pouvait se transposer au rugby».
Dans le même esprit, les ballons connectés (aussi dits “intelligents” d’après l’anglais smartball) ont été présentés, en 2023, par les fédérations sportives, et par la presse, comme une aide à l’arbitrage et comme une source d’information supplémentaire pour le public. En effet, les capteurs dont ils sont munis permettent d’enregistrer et de visualiser avec précision les trajectoires de la balle et ses contacts avec les joueurs. Plus subtilement, dans son Dictionnaire amoureux du rugby des temps modernes (éditions Plon, 2023), à l’entrée «Techniciens», Daniel Herrero les décrit, du point de vue des entraîneurs et des pratiquants, comme des «ballons équipés de puces reliées aux coachs, leur permettant ainsi de recevoir une foule de détails sur le toucher de balle, l’énergie ou la dextérité du passeur-éjecteur».
Il y aura d’intéressantes recherches à mener sur la transformation de la gestuelle que ces deux types d’innovations vont occasionner, sur les verbalisations qui vont les accompagner et sur la conscience tactile et kinesthésique qu’elles vont favoriser.
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Photographie d’illustration: Loïc Dupin-Belleville.
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