En 2022, cette «responsable en établissement d’accueil du jeune enfant» a proposé, dans les Cahiers de la puéricultrice n° 358, une synthèse rapide et précise sur le tact prénatal et postnatal. Elle y argumente pour davantage de plurisensorialité dès la naissance.

 

Portrait en noir et blanc d'un homme et un nouveau né. Leurs visages en gros plan. La tête du bébé endormi repose entièrement dans la main de l'homme, joue contre paume, le reste du corps contre la poitrine. L'autre main de l'homme passe en dessous du bébé pour l'enlacer. L'homme a approché son propre visage, les yeux fermés et souriant, de manière à mettre son nez dans le cou de l'enfant.

 

L’autrice présente d’abord les découvertes récentes que nous avons chroniquées dans nos articles De 7 semaines à 77 ans et plus, Des caresses qui soignent et Caresser les bébés prématurés: «la qualité de la relation que les parents établissent avec leur enfant, dès les premiers mois de sa vie, exerce une influence déterminante sur son développement global, sa capacité d’adaptation psychologique et son développement cognitif, affectif, physique et moteur».
Elle souligne le décalage de nos modes de vie par rapport à ces connaissances: «dans les sociétés occidentales, l’industrie de la puériculture incite les femmes à avoir une multitude de matériels pour s’occuper de leurs bébés (poussette, table à langer, berceau, parc, transat, etc.). Ceux-ci ont tendance à diminuer les relations affectives directes ainsi que les contacts, dont on a souvent oublié le besoin qu’en éprouve l’enfant. Dans les pays industrialisés, le toucher est moins utilisé comme mode de communication que le regard et la parole [tendance aujourd’hui surdéveloppée par les dispositifs audiovisuels]. Le bébé peut passer des heures, seul, dans son parc ou dans son lit, contrairement aux enfants nés dans les pays en voie de développement qui, souvent, sont portés toute la journée» (lire notre article Différences sensorielles entre les cultures: l’exemple ougandais).
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Caroline Bresson n’en reste pas moins soucieuse de nuance et d’exactitude. Elle indique notamment que si «le fait de porter des vêtements dès la petite enfance fait que la peau ne peut pas développer toute la sensibilité qu’elle aurait eue si elle n’avait pas été constamment recouverte; cependant, les sensations continues apportées par les tissus sont sécurisantes pour l’enfant». De même, elle confirme que «les yeux permettent une communication intense. Aussi, pendant que l’on touche son enfant, il est important de maintenir autant que possible le contact visuel».
Elle décrit ensuite avec simplicité les principaux gestes des «trois formes de touchers» utiles au bébé: «le toucher contenant, le toucher sensoriel et le toucher sensori-moteur». Dans tous les cas, «il doit être ferme, doux, lent et englobant», avec pour objectifs d’«amener une détente musculaire, donner des repères à l’enfant afin qu’il construise son schéma corporel, et enfin permettre la relation en donnant un moyen d’approche et de communication aux parents».
Elle détaille, en dernier lieu, les différentes formes de portage, qui est aussi «un moment où les liens affectifs et relationnels se construisent, favorisant la dynamique de l’attachement et les échanges». Toutes ces opérations sont faites «avec l’enfant et pas à l’enfant»: «si l’enfant veut se tourner ou changer de position, il ne faut pas le maintenir de force. Nous devons l’écouter, le regarder et sentir ce qu’il nous dit».
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Caroline Bresson conclut: «contrairement aux idées reçues, un enfant qui reçoit suffisamment de chaleur, de sécurité, qui est régulièrement porté, pourra plus tard mieux se détacher. Il développera une plus grande confiance en lui et s’intégrera mieux socialement».

Bonus: «Les carences du toucher»

Pour prolonger les ouvertures de Caroline Bresson vers l’adolescence et l’âge adulte, on peut lire la synthèse que David Le Breton (2006) propose de ses travaux sur les sports extrêmes et les conduites à risque (notamment dans les pages 181-185 et 199-205). Ses études documentent le fait que «la difficulté de se situer dans le monde, si les orientations se perdent, amène à chercher des limites de sens au plus proche de soi à travers le corps à corps avec le monde» (page 183). Dans les pratiques ludiques, «le rappel des limites cutanées exerce une fonction d’apaisement, de remise en ordre du chaos intérieur» (même page). Les diverses formes d’attaque au corps propre apparaissent, elles, comme «une recherche de contenant, un cran d’arrêt à la souffrance. […] “C’est bien que cela fasse mal, car cela prouve que vous êtes réel[-le], que vous êtes vivant[-e]”» (page 184). Dans certaines situations dépressives, enfin, «la sexualité devient parfois le prétexte à être touché, caressé, entouré pour des personnes en recherche éperdue de tendresse et de contact» (page 204). («L’existence comme une histoire de peau: le toucher ou le sens du contact», dans La Saveur du monde: une anthropologie des sens, Paris, Métailié, pages 175-217.)

Consulter l’article de Caroline Bresson sur nadineloncar.com
et le chapitre de David Le Breton sur nadineloncar.com.

Photographie d’illustration: PublicDomainPictures pour Pixabay.com