«Nous avons tous conscience que le pouce est LE doigt le plus important […]. Mais qu’en est-il de l’auriculaire […]? Il ne serait pas possible sans lui de tenir un marteau pour un maçon… Ce doigt très mobile est “partenaire” du pouce dans un certain nombre de prises».

Gros plan d'une promesse entre adolescents scellée par les petits doigts. Appelée Pinky swear en anglais (littéralement "jurer du petit doigt"), cette convention consiste à entrelacer son auriculaire avec celui de la personne en face et de les maintenir devant soi pendant la promesse. Ici, on voit que les mains sont assez jeunes, la main à gauche est de dos, la main à droite est de face, avec un vernis rouge un peu écaillé. En fond, un mur de briques assez brut.

 

 

Dans son chapitre du recueil Prière de toucher, codirigé avec Patrick Moureaux, le Docteur Dominique Le Nen distingue cinq fonctions de la main. Les moins connues, qu’on voudrait mieux développées dans le livre lui-même, sont la fonction discriminative et la fonction esthétique. Celle qu’on admire souvent en passant est «la dextérité, qui renvoie à la finesse, à la minutie (tenir un crayon…), [et] sollicite essentiellement les trois premiers doigts dont la sensibilité dépend du même nerf (médian)» (page 86).
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De façon contre-intuitive, le petit doigt participe, sans que nous y prenions garde, aux deux fonctions de la main surestimées par la tradition:
«LA PRÉHENSION, qui requiert la mobilité des chaines digitales, avec l’ouverture de la main, préambule à la fermeture des doigts; il existe une variété de prises impressionnante que je ne développerai pas ici, mais qui témoigne de l’importance de la préhension. La prise globale (ouvrir un bocal) par exemple montre le rôle essentiel de tous les doigts avec une mention particulière pour les doigts extrêmes que sont le pouce et l’auriculaire.
«LA FORCE de la poigne, nécessaire au serrage d’objets de toutes formes, de tous volumes. Cette prise de force (tenir un objet cylindrique comme une raquette de tennis) sollicite l’ensemble des doigts, le verrouillage de la prise étant dévolu essentiellement à l’auriculaire puis au pouce. Nous avons tous conscience que le pouce est LE doigt le plus important, et il est vrai que l’absence de pouce nous prive de 50% de la fonction de la main. Mais qu’en est-il de l’auriculaire dont je viens de signifier le rôle fondamental? Souvent négligé –ah… ce n’est que le petit doigt, il ne sert à rien–, ridiculisé, maltraité et mal traité, il ne serait [pas] possible sans lui de tenir un marteau pour un maçon… Ce doigt très mobile, “partenaire” du pouce dans un certain nombre de prises, permet aussi d’écrire puisque, posé sur une table, il stabilise la main pendant que nous utilisons un crayon ou un stylo» (pages 85-86).
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Au préalable, le médecin avait précisé que la main contient «trois nerfs mixtes que sont le nerf médian, le nerf ulnaire [côté coude] et le nerf radial [côté radius]. Pourquoi nerfs mixtes? parce qu’ils contiennent des fibres sensitives, qui amènent donc les informations du toucher au cerveau, et des fibres motrices, qui initient l’action motrice à partir des informations précédentes» (page 82).

Référence

Le Nen, Dominique, 2024, «La main, organe du toucher par excellence», dans Moureaux, Patrick, et Le Nen, Dominique (dirigé par), Prière de toucher, Séné, Donjon Éditions, pages 59-100.

Bonus: «Je ponce, donc je suis»

«Alors cette danse s’affine, les paumes glissent sur l’onctuosité d’une matière sensuelle, les doigts s’allongent et tout le corps participe à prolonger le geste. Le pouce vérifie les reliefs, l’index appuie comme un étau, le majeur étale, l’annulaire caresse et le petit dernier raconte chaque infime variante. La main devient le centre de la création, le tableau se déploie, le corps entier danse au service du geste parfait, même les pieds s’étalent sur le sol pour ouvrir la main à son apogée d’expansion. […] Certes, le regard participe à la construction en devenir, mais aucun outil n’a autant de cœur à dialoguer avec amour, tendresse et délicatesse.»

  • Manuela Paul-Cavallier, doreuse, dans Dorian Chauvet (dirigé par), 2023, Histoires de nos mains en quatre-vingt-dix portraits étonnés, Paris, Le cherche midi, pages 160—161.

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Photographie d’illustration: cherylholt pour Pixabay.com