Le 15 mai 2024, l’association de personnes déficientes visuelles apiDV a porté à l’Assemblée nationale la revendication d’un droit au toucher raisonné dans les musées français. L’AFONT soutient cette démarche d’inclusion culturelle qu’elle a contribué à argumenter.
Cinq propositions pour renforcer l’accès à la culture des personnes aveugles ou malvoyantes
À l’occasion de la Journée de la Solidarité, le 15 mai 2024, apiDV a reformulé cinq de ses propositions de 2020 pour une culture plus inclusive (lire Table ronde toucher, interdit d’interdire). Trois d’entre elles concernent le droit au toucher:
«Pour les personnes déficientes visuelles, l’accès à la culture par le toucher ou l’ouïe est une alternative ou un complément indispensable. Pour toutes et tous, cette culture multisensorielle et inclusive, que nous appelons de nos vœux, améliore la qualité et la diversité des pratiques pour chaque personne, qu’elle soit ou non en situation de handicap.
[…]
«2. Ajouter le droit au toucher au profit des personnes malvoyantes ou aveugles dans le cahier des charges de tous les musées d’intérêt national et régional avec l’obligation d’offrir un nombre significatif d’objets palpables représentatifs des œuvres les plus emblématiques.
«3. Adopter des mesures incitatives pour l’installation de maquettes architecturales en libre accès sur les sites touristiques, comme cela se fait en Belgique, en Pologne et ailleurs.
[…]
«5. Renforcer la professionnalisation […] de la médiation par le toucher en l[‘]inscrivant dans les cursus de muséologie et de médiation culturelle.»
Dialogue du président d’apiDV, Pierre Marragou, avec Emmanuelle Dal’secco de handicap.fr
«Des maquettes devant les monuments»
«Première priorité, la plus simple à mettre en place, implanter des maquettes devant les principaux monuments historiques, « appréciées aussi par les enfants ». Château de Pau, cathédrale de Strasbourg, de nombreuses villes s’en saisissent, en France comme ailleurs. Dans la basilique Saint-Pierre-aux-Liens, à Rome, on prend conscience du travail monumental de Michel-Ange en découvrant une copie du tombeau du pape Jules III à tâtons. Mais cela reste l’exception! « À Paris, on en trouve quelques-unes à la Villette mais rien n’est prévu sur le futur parvis de Notre-Dame ou devant les Invalides, la Tour Eiffel », s’impatiente apiDV.»
«Louvre, une petite galerie tactile»
«Et dans les musées? Au Louvre, rien d’autre à se mettre sous les doigts que la petite galerie tactile (80 m2 pour une surface totale de 73 000 m2!) qui propose des facsimilés de certaines statues et pas parmi les plus réputées. « Mais pas de représentation en relief de La Joconde ou du Radeau de la Méduse« , s’impatiente apiDV qui réclame « dans chaque département des reproductions à côté des originaux ». Solution envisageable puisqu’elle est déjà proposée dans le département des arts de l’Islam inauguré en 2012.» (Lire aussi Accessibilité du Louvre, mais où sont les neiges d’antan.)
«Prière de toucher!»
«Au nouveau Musée Carnavalet à Paris, deux ou trois planches tactiles sont disponibles dans chaque espace. Celui d’Aquitaine, à Bordeaux, offre, lui aussi, un exemple remarquable avec son parcours sensoriel. Depuis 2019, l’expo itinérante Prière de toucher a assuré la promotion de cet enjeu dans plusieurs musées français (Lyon, Grenoble, Rouen, Lille…), avec l’idée de mettre tout le monde à égalité en proposant aux voyants de se bander les yeux.» (Lire Venez toucher au musée II).
«À prendre avec des gants»
«Autre proposition, permettre de toucher de « vraies » œuvres mais la plupart des conservateurs « bloquent à cause de leur impératif de conservation qu’ils estiment souvent contradictoire », observe Pierre Marragou. Certains pionniers, plus souples, offrent cette possibilité mais dans le cadre de visites encadrées. « Un progrès qu’on accueille très favorablement mais qui limite les occasions, poursuit-il. Parce que, si je suis Australien et que je visite le Louvre, je ne sais pas forcément qu’il y a une visite tactile à 15h tous les trois mois. Et encore! Sa page d’activités handicap visuel affiche, pour le moment, une erreur 404! ».
«British museum, caresse aux antiquités»
Just do it, d’autres l’ont fait! C’est le cas du British museum de Londres qui, dans son département antiquités, a labellisé une dizaine de pièces qui peuvent être palpées, l’intérêt étant de sentir le contact de la pierre et plus seulement de la résine. « Honnêtement, ils n’ont pas choisi les plus fragiles. Des sphinx, des sarcophages qui ont traversé les millénaires, sans trop de risque de dégradation », se souvient Pierre. Le visiteur, après avoir justifié son handicap, récupère un badge identifié par les gardiens.
«Un ministère pas assez pro-actif?»
« »On a bon espoir que notre ministère de la Culture y soit attentif, poursuit Pierre Marragou. Le problème c’est qu’il ne semble pas avoir pris conscience qu’il était un ministère et, sur beaucoup de sujets, nous répond que c’est compliqué car les musées sont indépendants et qu’il faut les convaincre. Il peut quand même mettre des lois à l’ordre du jour de l’Assemblée, faire pression via les budgets et donner des consignes. On attend de lui un rôle plus proactif pour pousser les monuments historiques à mettre en œuvre le droit au toucher dans leur cahier des charges. » Pour le moment, cela reste au bon vouloir de chacun.» (Lire Accessibilité, la culture doit changer de culture).
Consulter l’article intégral sur handicap.fr.
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Prière de toucher II, les aléas d’une formule
et Quelques arguments pour un déploiement complet de la muséographie immersive.
Photographie d’illustration: Paul_Henri pour Pixabay.com
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