Nous joignons notre perplexité à celle de Sophie Berthier qui, le 09 décembre 2025 sur www.telerama.fr, rapporte l’intervention d’élus écologistes au Conseil de Paris voyant dans ce geste des touristes de tous genres «“une forme de banalisation du non-consentement”».

 

Dans la Basilique de Rome, une religieuse en tenue de Sœur, de profil, est en train de toucher le pied droit de la statue de Saint-Pierre assise sur son trône et qu'on ne distingue que jusqu'aux genoux.

 

«Depuis presque trente ans, les touristes touchent sans cesse les seins de bronze de la statue, supposés porter bonheur. […] Patinée par les caresses, la poitrine de la statue en bronze érigée en 1997 à la mémoire de la chanteuse Dalida (1933-1987), sur la petite place montmartroise du 18ème arrondissement qui porte son nom, [est] devenue étincelante, elle tranche sur le vert-de-gris du reste de la sculpture et donne l’impression que l’icône porte un soutien-gorge doré».

«Pelotage déplacé ou croyance déphasée?»

Les édiles parisiens font valoir que «laisser faire est “une forme de banalisation du non-consentement, le symbole de l’appropriation du corps des femmes dans l’espace public qui participe à la culture de l’impunité”». La persistance obtuse du déni et la violence décomplexée du masculinisme leur donnent malheureusement raison dans le climat délétère d’aujourd’hui.
Faut-il pour autant aller jusqu’à surélever et barriérer la sculpture? Rappelons que, selon le dernier essai de la philosophe Joëlle Zask, les statues «surplombantes, dominantes, […] ne font, le plus souvent, que symboliser la puissance ou esthétiser la célébrité». Elle plaide, au contraire, pour des «sculptures adorées, caressées, empoignées, chevauchées, qui se patinent et vivent au gré des usages, des intempéries et des soins qu’on leur prodigue».
Sophie Berthier indique pour sa part que ce geste est «essentiellement le fait des touristes, hommes et femmes confondus» et qu’«au cimetière du Père-Lachaise, le gisant de bronze sur la tombe du journaliste Victor Noir (1848-1870) a l’entrejambe très « lustré ». Car le frotter serait gage de fécondité et de virilité. Personne ne s’en est jamais offusqué». Nous ajouterons que c’est également le lot des parties génitales de la statue de taureau ornant la place principale de Laguiole (Aveyron)… Et de bien d’autres éléments sculptés de par le monde, moins sujets à polémique.
Ainsi, dans sa communication aux journées d’étude sur l’Accessibilité universelle dans les musées, ce même 9 décembre au Musée des Beaux-Arts de Rennes, François Blanchetière, conservateur en chef (sculpture et architecture) au Musée d’Orsay, rappelait que ce type de gestes est immémorial et participe, dans de nombreux contextes, de la dévotion: il a, par exemple, affecté (jusqu’à son interdiction en 2016) le pied droit de la statue de saint Pierre dans sa basilique de Rome. Au point que, pour d’autres lieux de culte, l’église catholique en a fait réaliser des reproductions au pied droit amovible afin de rendre compatibles la religiosité et une restauration moins coûteuse.
La journaliste conclut avec humour que la statue de Dalida en bronze, «elle, reste de marbre», et mentionne l’initiative judicieuse d’une association allemande qui, dans trois cas comparables, a demandé et obtenu l’installation d’«un grand panneau rappelant que “le harcèlement sexuel laisse des traces”». Dialoguer plutôt que mettre à distance: voilà qui préserve la vie sociale de l’œuvre tout en enrichissant sa signification.

Consulter (sous condition) l’article sur www.telerama.fr.

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Photographie d’illustration: RobertCheaib pour Pixabay.com