L’artiste verrier Antonin Funès et le poète Emmanuel Simier sont deux des six exposants qui transforment la matière en écriture ou l’écriture en matière, du 07.07 au 28.08.2022, du mardi au dimanche, de 14h à 18h, au théâtre Le Dôme, place de la Bilange, 49400 Saumur.
Attention: fermeture le 14 juillet et du 1er août au 8 août inclus.
Entrée libre et gratuite.

 

Dans un salon, posée sur une table, une des oeuvres de l'exposition. Sur un support qui reproduit le principe de la cuisson à la broche, une bombonne de verre sur laquelle des poèmes en braille sont incrustés. Il faut faire tourner l'objet sur son support pour lire les vers.

 

 

L’exposition Materia Prima

Materia Prima est la rencontre des travaux de six façonneurs d’aujourd’hui. Trois verriers et un céramiste élaborent un langage avec leur matériau respectif. Dans un dialogue intime, chacun d’eux imprime son geste dans la matière dont il attend une réponse. À ces quatre-là s’ajoutent deux autres «écriveurs», qui se prennent au jeu des matériaux et de ceux qui les façonnent: l’un utilise la surface du verre comme écritoire, l’autre tire du magma des mots l’opacité et la transparence nécessaires pour faire œuvre.
Artistes: Suzanne Philidet, Antonin Funès, Pascal Lemoine, Armand Tateossian, Yves Leclair et Emmanuel Simier.

Le projet Verre à verve

Le souhait d’Antonin Funès est de proposer un ensemble de sculptures en verre soufflé pour les oubliés de l’art contemporain: les déficients visuels et les non-voyants. Œuvres à toucher, contrairement à l’habitude, ces pièces sont gravées par microbillage pour obtenir le texte préalablement transcrit en braille, puis polies avec une technique particulière qui leur apporte leur tenue dans le temps et leur douceur, pour rendre la lecture en braille possible et agréable. Il ne faut pas que le doigt accroche à la matière.
Actuellement, onze pièces ont été réalisées. Deux sont à prendre dans les mains «comme un bébé». Les neuf autres sont associées à des supports suffisamment lourds et stables pour être lues en faisant tourner la pièce sur un axe en bois. On retrouve le texte à destination des voyants écrit en noir sur les plots d’exposition blancs. Le livre d’exposition a été édité en braille et en gros caractères afin de pouvoir faire lire l’ensemble des textes gravés aux aveugles, malvoyants et voyants. Ce livret ne contient pas de photos et sa couverture est noire pour une question d’équité. Un souhait commun d’Antonin et d’Emmanuel: «moins d’images, plus de sensations».

Emmanuel Simier

Aide-berger et passionné d’écriture, sa rencontre en 2019 a abouti à cette collaboration. Intéressé par la contrainte (les textes sont écrits sur mesure, en fonction de chaque pièce préalablement soufflée), le projet proposé par Antonin lui a tout de suite plu par ses aspects techniques délicats. «La texture des matières, des mots et des moments a toujours beaucoup agité mes sens». Cherchant le contraire du contraire, tâtonnant autour du sens des mots et des choses, essayant de toucher son auditoire, il est en lutte permanente contre la gravité, tout comme Antonin quand il travaille le verre.

Antonin Funès

Attiré en tant que voyant par le système braille pour sa combinaison de points, il a souhaité travailler avec, surtout pour son côté graphique: «j’aime les combinaisons, les empilements, les assemblages d’objets ou de matière. Elles s’inscrivent toujours dans un contexte, elles racontent une histoire. Je suis un amoureux du côté graphique et des choses simples».
Le verre, quand il est présenté sans couleur, est une matière transparente voire invisible, donc la meilleure manière de pouvoir obtenir une information c’est de la toucher. «J’ai été chercher dans les caractéristiques de ce matériau, ce presque rien. Mon but était d’aboutir à un graphisme qui partait de ce presque rien, ce quasi invisible. Pour nous, en tant que voyants, le verre est transparent. Verser un liquide de couleur dedans, du vin rouge par exemple (sourire), nous indique sa forme, son volume et donc une information. Pour un non-voyant, remplir la matière « verre » de mots est une façon de donner du sens à cette matière invisible».
«Le fait de vouloir travailler pour les aveugles m’a permis de remettre en question ce matériau. Oublier le sens de la vue m’a obligé à penser au sens du toucher».

Référence
Funès, Antonin, Perraut, Audrey, et Simier, Emmanuel, 2022, Verre à verve: dossier artistique.

Photographie d’illustration: Audrey Perraut pour le dossier artistique de l’exposition.