Montage mélangeant des logos d'outils numérique à la peinture d'un visage et d'une main toute en couleurs

 

Autour de sa table ronde «Toucher, interdit d’interdire», le GIAA apiDV a publié deux podcasts de 12 minutes. « Avec le numérique, l’art à portée de main? » s’ouvre et se clôt sur un reportage lors d’une visite tactile au musée de l’Orangerie à Paris, qui encadre des interviews croisées de Rima Dhrif Lebrun et Bertrand Verine. « De l’importance du toucher » fait dialoguer les interventions de Rima Dhrif Lebrun, Marie-Pierre Warnault, toutes deux médiatrices culturelles, et de Thierry Jopeck, haut fonctionnaire chargé de l’inclusion au ministère de la Culture.
Écouter les émissions sur apiDV.

Transcription des propos du président de l’AFONT


« Le toucher a pour grand inconvénient de ne pas pouvoir accéder à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, mais pour tout ce qui est de taille intermédiaire et suffisamment à proximité, le toucher permet d’avoir soit un équivalent de ce que peut connaître la vue, soit donner des informations spécifiques, en particulier la perception d’un objet sous toutes ses faces en même temps. Le toucher n’est pas une médiation : il nous a été donné à tous comme un sens en tant que tel avec ses propriétés particulières.
« La promesse du numérique est immense, mais il faudra encore quelques années pour qu’elle se réalise. Pour le moment, l’intérêt majeur du numérique, c’est précisément de pouvoir numériser des formes et des textures, donc des objets, et de pouvoir les reproduire tels quels ou en les modifiant, en particulier en modifiant leur taille, pour produire des maquettes qui pourront être touchées sans restriction et sans créer d’angoisse chez les médiateurs culturels.
« Tout le paradoxe de notre époque est d’avoir généralisé le mot « tactile » dans un faux sens : ce que la plupart du temps on appelle tactiles sont des dispositifs qui réagissent au contact, ce qui ne signifie pas du tout qu’ils donnent des sensations au toucher, ni qu’ils permettent de percevoir quoi que ce soit par le toucher puisque, la plupart du temps, les dispositifs tactiles sont lisses.
« Pour le toucher comme pour tous les autres secteurs de la vie, y compris l’audio, nous ne pourrons avoir de véritables progrès que quand ce sera un secteur grand public. On a un point de départ très intéressant avec les imprimantes 3D, mais c’est quand des applications grand public, telles que le tapis de souris produisant des sensations de texture ou de forme, commenceront à se généraliser dans la société que l’approche du toucher pourra réellement changer.
« Il y a un cercle vicieux entre la rareté de l’offre de visites adaptées et la difficulté des personnes, qui n’ont pas l’habitude de ce type d’accès à l’art. Et d’ailleurs il y a un autre cercle vicieux entre ce manque d’habitude de l’accès tactile à l’art et le fait que beaucoup plus de personnes pourraient aller à ces visites, mais n’y vont pas en se disant: «Ça n’est pas pour moi». Comme je dis souvent aux responsables culturels, il a fallu une quarantaine d’années après la loi Malraux pour que les personnes voyantes se ruent en nombre dans les expositions et dans les musées. Ça n’est pas en appuyant sur un bouton, en disant «Ah, voilà: cette visite est destinée aux personnes déficientes visuelles», que toutes les personnes déficientes visuelles vont se ruer en cohortes dans les visites. Parce qu’elles n’ont pas l’habitude, elles ne sont pas préparées. Elles ont beaucoup plus l’habitude qu’on leur dise: «Ne touche pas, ne mets pas tes mains là, bas les pattes!», etc. Et par conséquent, là aussi, il y a tout un travail pour décomplexer le toucher et pour arriver à un toucher décomplexé. »

Photographie d’illustration: Geralt pour Pixabay.com