La linguiste Stéphanie Béligon (université Savoie Mont-Blanc) vient de poster sur le site theconversation un article court, simple et remarquablement juste pour comprendre la richesse et les ambiguïtés du mot «sentir» en français.

 

Baiser esquimau entre une mère et son enfant, assis sur la jetée en pierre le long d'une plage, avec la mer en fond. Les nez se touchent, la mère se penche vers l'enfant qui l'attrape par l'épaule.

 

Elle y articule notamment : ….

  • «Faire l’expérience du monde»: odorat, goût, toucher;
  • «Objectivité, subjectivité et intersubjectivité», opposant la vue et l’ouïe à l’intuition;
  • «Odorat et métaphore», expliquant également le sens d’intuition;
  • «Sentiments et émotions», qui «repose[nt] sur des manifestations physiques, des modifications corporelles».

Elle conclut: «on peut supposer que si ces différents domaines de l’expérience sont exprimés par un même mot, c’est qu’ils sont conçus comme suffisamment proches pour être rattachés à une même catégorie», même si la comparaison avec l’anglais montre bien que «chaque langue opère des découpages qui lui sont propres dans le donné biologique».

[Note. Sur ce dernier point, nous ajouterons que «toutes les langues issues du latin utilisent les verbes hérités de l’ancien «sentire» pour signifier le fait de percevoir par les sens autres que la vue. Le roumain et le portugais l’emploient principalement avec cette valeur générique, tandis que le catalan a développé l’acception d’«entendre», et l’italien celle d’«écouter». La signification est avant tout tactile en espagnol et annexement auditive, alors qu’on ne peut en aucun cas «sentir» un bruit ou une parole en français. Enfin, la majorité des emplois en occitan s’appliquent à l’odorat.» (B. Verine, 2021, Le Toucher par les mots et par les textes, L’Harmattan, page 138).

Lire l’article sur the conversation.

Photographie d’illustration: Mojpe pour Pixabay.com