Ce 21.10.2020, après huit mois de sevrage forcé, les médiateurs du musée Fabre et les personnes déficientes visuelles de la métropole de Montpellier ont renoué avec les visites adaptées. Ou comment trouver un juste milieu entre l’irresponsabilité et la phobie.
[Postscriptum de 2022: on sait désormais que le corona virus se transmet par la respiration et par la salive. Le contact entre des mains propres ou avec des surfaces, tout en continuant à se désinfecter les mains, n’est donc pas en cause. Or personne ne le dit, et la fermeture dramatiquement longue des lieux culturels a montré que notre société reste dans la logique du tout ou rien.]
Un visiteur de musée passant à l'intérieur d'une sculpture d'art moderne (sorte de structure à couloirs)

Depuis sa rénovation en 2007, le musée Fabre de Montpellier met en œuvre une stratégie diversifiée pour se rendre accessible aux personnes déficientes visuelles: on citera rapidement la maquette des locaux et celle du mobilier d’un salon bourgeois du XIXe siècle, les transpositions en tissu de tableaux de Pierre Soulages, ou les moulages de sculptures qui ont contribué à l’exposition «L’Art et la matière: prière de toucher», dont l’itinérance dans six métropoles françaises est actuellement interrompue par la crise sanitaire. La question que pose la pandémie de Covid-19 est bien sûr la désinfection de tels dispositifs pour qu’ils ne deviennent pas l’instrument de foyers de contamination.
Fallait-il pour autant ajouter de la crise à la crise en privant une partie de la population de la réouverture du musée, dans une période où l’offre d’activités collectives s’est dramatiquement restreinte? Le service des publics a clairement répondu «Non», et adapté ses pratiques habituelles. Comme tous les visiteurs, les personnes déficientes visuelles ont été invitées à se laver les mains et à conserver leur masque pendant toute la séance. La coutume d’utiliser des audiophones et des chaises pliantes a facilité le respect de la distanciation physique, d’autant plus que la jauge maximale a été limitée à six participants déficients visuels et trois accompagnateurs voyants. En contrepartie de cette limitation, le nombre de visites proposées a été doublé, passant de deux à quatre pour l’exposition temporaire «Le Canada et l’impressionnisme: nouveaux horizons».
Enfin et surtout, au lieu de faire circuler entre les visiteurs un exemplaire unique des transpositions tactiles des tableaux commentés, chaque participant a reçu la sienne. Afin de compenser la charge supplémentaire de travail ainsi demandée au personnel, le musée a sollicité une association partenaire, la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France en Languedoc-Roussillon (FAF-LR). Des bénévoles de l’association reproduiront les 36 dessins en relief nécessaires aux prochaines séances, et leur présence au cours des visites évite aux médiateurs d’être en contact rapproché et répété avec les participants. Grâce à ces aménagements, «protection» peut rimer avec «inclusion», et «salubrité» avec «accessibilité».

Photographie d’illustration: Hans pour Pixabay.com