Christel Sola est l’auteure d’une thèse de Doctorat en anthropologie sur les savoirs et savoir-faire manuels des artisans. Elle en a tiré deux articles dont les formulations sont souvent proches, mais dont beaucoup d’exemples sont différents. Si la version d’ethnographiques.org (2015) est plus aboutie, et bénéficie d’illustrations photographiques, celle de Terrain (2007) contient des précisions techniques et des paroles d’artisans du plus grand intérêt.

Essayage chez un couturier

Essayage chez un couturier

La chercheuse a observé les gestes et écouté les discours de stylistes, de couturiers, de maroquiniers, de fourreurs-modélistes, de menuisiers-ébénistes, de sculpteurs sur bois, de tapissiers et de céramistes. Elle en rend compte dans la perspective de ce que Frans Veldman a nommé les happerceptions, c’est-à-dire les processus perceptifs haptiques, englobant les perceptions tactiles cutanées et les perceptions tactilokinesthésiques qui incluent le mouvement (2001, Haptonomie. Science de l’affectivité, Paris, Presses Universitaires de France). Rappelons que les mots dérivés du grec haptô caractérisent le toucher manuel actif par opposition au toucher passif du reste du corps.
Les deux articles décrivent d’abord les rôles du toucher dans les activités étudiées, puis la verbalisation des perceptions par les artisans. Dans chaque discipline, le toucher interagit avec la vue pour permettre la connaissance des matériaux à travailler et l’évaluation des objets en cours ou en fin de fabrication, mais aussi pour guider les gestes à accomplir. En effet, le rôle de la main ne se limite pas à manipuler : tout au long du travail, elle perçoit ses propres mouvements, ceux de l’outil et leurs répercussions sur le matériau, donc sur l’objet.
Du côté du langage, si beaucoup d’artisans reprennent l’opinion commune qu’« il n’y a pas de mots pour le dire », Christel Sola inventorie 124 adjectifs grâce auxquels ils qualifient la matière première ou sa transformation. Quelques-uns de ces mots sont inconnus du grand public, mais les plus nombreux sont issus du vocabulaire courant : les discours professionnels leur donnent seulement des acceptions plus spécifiques, souvent absentes des dictionnaires.
Lire les articles sur revues.org et ethnographiques.org.