«Ah! Le timbre où on ne voit rien? J’ai cru que c’était un accident de fabrication!», s’exclame un postier. Certes, il est uniformément blanc, mais on peut y toucher une réduction gaufrée de la main gauche d’Aïcha, paume vers le haut. Mis en vente le 16 octobre 2023.

 

Le timbre pensé par Prune Nourry. En haut, à gauche, l'inscription "La Poste 2023". En bas, à gauche, l'inscription "France", puis le prix, dans le coin droit "2,32 euros". Au centre, une main paume ouverte, vue de face, avec les détails des sillons, lignes et pliures de la peau, imprimés en creux. A la verticale, à gauche, de la main, le nom de l'artiste "Prune Nourry" ; à droite, en placement en miroir, un inscription en braille, que l'on sait être le prénom de la modèle Aïcha. L'intégralité du texte est en blanc, même les inscriptions relatives à l'artiste et au modèle qui sont imprimés en relief, à l'instar de la main. Les mentions techniques de provenance et de prix, sont elles en grisé.

 

Le 16 octobre 2023, La Poste a émis un timbre de la série artistique, illustré par une œuvre de la sculptrice Prune Nourry. Cette réalisation creuse le sillon ouvert par son exposition «Projet Phénix» (Paris, 2021). En contrepoint de ses huit bustes de personnes déficientes visuelles modelés les yeux bandés, elle y proposait deux représentations des mains de ses modèles: leur empreinte en métal et leur gaufrage sur papier (lire notre article Des bustes modelés les yeux bandés à découvrir dans le noir).
Pour ce projet, Prune Nourry a pris la main d’Aïcha, une élève de l’Institut national des jeunes aveugles (INJA – Louis Braille). Son prénom est embossé en écriture braille sur chacune des 50 000 feuilles de 9 timbres actuellement en vente, soit 450 000 exemplaires. Référence produit: 11 23 054. Mise en page/conception graphique: Jean-François Aimé et Étienne Théry. Format du timbre: 40,85 x 52 mm. Valeur faciale: 2,32 € («lettre verte» de 100g). Disponibilités: dans certains grands bureaux de poste, sur réservation auprès de certains buralistes ou sur le site www.laposte.fr.

Pour rappel, Prune Nourry, née en 1985, vit entre New York et Paris. Diplômée de l’École Boulle, elle travaille de nombreux matériaux tels que la terre, le bois, le bronze et le verre. La sculpture est la colonne vertébrale de son œuvre, autour de laquelle elle crée des performances éphémères, des films et des installations. Elle indique: «c’est un rêve de pouvoir réaliser un timbre-sculpture, que l’on puisse toucher autant que voir, comme une mini-œuvre qui voyage avec les histoires des gens».
La Fondation du toucher conteste formellement l’idée du communiqué de presse que «l’on peut voir au-delà des yeux», aussi mensongère que généreuse. Elle adhère en revanche avec enthousiasme à ces autres affirmations: «ce timbre nous montre que l’on peut […] voyager à travers le toucher. Dessinées sur une paume ou sur une lettre, les lignes nous (re)lient, nos correspondances laissent des traces, une empreinte».

Lire sur notre site
Co-création d’un livre tactile illustré
Quitterie Ithurbide, une belle démarche interrompue
Renoncer à l’illusion que toucher c’est voir.

Lire l’article de Gilles Kraemer sur Le Curieux des arts.

Écouter l’interview de Prune Nourry par Raphaëlle Le Baud pour thecraftproject.

Photographie d’illustration: Timbre officiel proposé à la vente par Laposte.fr