En convertissant les signaux sonores en signaux vibrotactiles, le projet TOTEM fait «partager une expérience commune aux sourds et aux entendants autour d’une modalité sensorielle qui n’est utilisée communément ni par les uns ni par les autres: le toucher».

 

Point de vue depuis une foule de concert : dans un flou orange et noir, on distingue la scène et ses musiciens en action ; des mains se découpent sur le fond, au-dessus de la foule tandis que des petites particules comme des gouttes en suspension entourent tout le monde.

 

Visuocentré jusqu’à l’obsession, notre monde est également audiocentrén en raison du rôle qu’y jouent la parole, mais aussi la musique. Comment rendre accessibles aux personnes sourdes la pratique et la perception des musiques en direct? Telle est la question qu’ont travaillée, en 2019 et 2020, trois établissements: l’école d’ingénieurs JUNIA/ISEN de Lille (Institut Supérieur de l’Électronique et du Numérique), la salle de concerts lilloise L’Aéronef et l’entreprise Hovertone (Mons, Belgique), «spécialisée dans les interfaces dites tangibles, c’est à dire reliant des contenus numériques au corps humain.
Afin de «concevoir et développer un dispositif innovant et opérationnel», les trois partenaires ont coopéré pendant deux journées de recherche avec le groupe de musiciens sourds MUR DU SON, puis avec des spectateurs sourds lors de deux concerts tests en conditions réelles. Les problèmes posés étaient les suivants: «Quels aspects du son doit-on traduire en vibration? Quelles textures vibratoires générer? Comment perçoit-on et interprète-t-on ces vibrations sur notre peau?»
Le résultat consiste en deux vibreurs mobiles laissant le choix à l’usager-e de leur placement sur son corps, qui sont reliés sans fil à un nano-ordinateur et à un amplificateur, «traduisant en vibrations (sens du toucher) la musique (sens de l’audition)». Le tout tient «dans une petite boîte facilement transportable pendant le concert», et le fonctionnement peut être personnalisé pour que le dispositif soit «utilisable à la fois par les spectateurs et par les musiciens, par les sourds comme par les entendants».
Soulignons qu’il ne s’agit pas (seulement) d’amplifier et de transmettre à la peau les vibrations sonores qu’une personne entendante perçoit, par exemple, à proximité d’un violoncelle ou d’une timbale, mais de choisir des signaux vibratoires pour recoder tactilement la musique (cf. notre article Evelyn Glennie, toucher la musique).
Le site de L’Aéronef propose de regarder et d’écouter le webinaire de restitution du projet et plusieurs interviews.

Consulter le dossier sur aeronef.fr/totem.

Photographie d’illustration: Scartmyart pour Pixabay.com