En conclusion du numéro 183 d’Approches, Catherine Dolto remarque: «il est bon de laisser disparaître [le vernix caseosa] absorbé par la peau [du nourrisson] pour laquelle il est très bénéfique». Retour sur les bienfaits fonctionnels et sensoriels de cette substance.

 

Sur une plage, en gros plan, des pieds de bébé, plantes vers l'objectif, sont recouverts de grains de sable. En arrière-plan, on devine un temps automnal avec des dunes dans un vent léger, le bébé emmitouflé dans un linge à capuche, tenu dans les bras d'un adulte tout aussi couvert.

 

L’expression française est un monstre linguistique de la médecine du Moyen Âge: elle est composée du nom masculin vernix, tiré du grec, désignant une résine odorante, et de l’adjectif féminin caseosa, emprunté au latin, signifiant fromageuse. Cette épithète réfère à son contact onctueux et à son aspect blanchâtre, que Catherine Dolto assimile joliment à «une crème protectrice» (page 186). Du point de vue olfactif, en revanche, les rubriques «Parents» des médias soulignent son caractère sucré, appétissant pour les adultes. Entre autres auteurs, Damien Mascret (Le Figaro) et Ophélie Arnould (Doctissimo) rapportent plusieurs expériences récentes montrant le rôle de l’odeur du vernix dans le processus d’attachement parental.
Pour sa part, Catherine Dolto s’efforce de nous faire imaginer le point de vue tactile du bébé. Pendant la gestation, «Le contact avec les parois utérines dont le tonus est plein de variations subtiles auxquelles il va bientôt donner sens fait partie de ses premières expériences. […] il va s’amuser à pousser sur les parois avec ses pieds et ses mains, elles réagissent, il le ressent, il en joue. La clinique nous montre que très vite il réagit à ces modifications de son habitacle et s’y accoutume. Il caresse le placenta plein de reliefs fascinants à parcourir pour ses minuscules mains, presse son cordon dans ses mains (d’où le grand succès de tous les jouets pour nourrissons qui ressemblent à un cordon que l’on peut empaumer)» (page 182). Après la naissance, «sa peau est d’une sensibilité extraordinaire, à travers elle il découvre le sec, le froid, le raide et les vêtements qui serrent, et on peut imaginer une nostalgie des contacts doux et moelleux de la période prénatale. De tous ses sens, c’est celui qui est le plus sollicité par son nouvel état et, de surcroît, le plus agressé», notamment si on a la mauvaise idée de «le frotter vigoureusement avec une serviette rêche comme cela fut fait pendant des siècles» (page 186).
Le vernix caseosa n’a pas de rôle direct dans les perceptions tactiles du fœtus ni du nouveau-né, mais un rôle indirect en graissant la peau pendant l’immersion dans le liquide amniotique et pendant les premiers jours d’acclimatation au milieu aérien. Il est produit par les glandes sébacées au cours de la gestation, mais elles suspendent leur activité lors des premières semaines de vie. Si, donc, les fonctions perceptives de la peau sont très performantes chez le nourrisson, ses fonctions de défense restent immatures.
Le professeur Franck Boralevi et la journaliste Caroline Feufeu indiquent que «ce n’est que vers l’âge de 2-3 ans que la peau va commencer à devenir mature», en produisant régulièrement le film hydrolipidique, dont la composante grasse sera apportée par le sébum et la composante liquide par la sueur. Ils soulignent qu’avant cela, «la perméabilité de la peau est exagérée». Moins grasse, «[s]a perte en eau est supérieure» à celle de l’adulte, ce que le bébé «compense aisément en buvant». Son PH moins acide (7 au lieu de 5,5) la rend moins résistante aux agressions microbiennes. «La production de mélanine est encore très faible. La peau des tout-petits est donc particulièrement vulnérable aux rayons [ultraviolets]». Autant de raisons pour la traiter avec douceur, c’est-à-dire avec le moins possible de substances autres que l’eau tiède, en la nettoyant sans la tremper ni la frictionner, et en la couvrant sans l’oppresser.

Références

Arnould, Ophélie, 2019, «L’odeur de tête de bébé serait un mode de communication précoce», Doctissimo, 29.10.2019, https://www.doctissimo.fr/grossesse/news/odeur-tete-bebe-serait-mode-communication-precoce#:~:text=%2F%20Grossesse-,L’odeur%20de%20t%C3%AAte%20de%20b%C3%A9b%C3%A9%20serait%20un%20mode%20de,Lecture%201%20min.&text=Une%20%C3%A9tude%20japonaise%20a%20identifi%C3%A9,dans%20la%20relation%20m%C3%A8re%2Denfant
Boralevi, Franck, et Feufeu, Caroline, 2016, «La peau de bébé: quelles spécificités?», les pros de la petite enfance.
Dolto, Catherine, 2021, «Le contact tactile: premier langage», Approches 183, pages 181-188.
Mascret, Damien, «L’appétissante odeur des bébés», Le Figaro, 04.10.2013, https://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/10/04/21338-lappetissante-odeur-bebes.

Lire aussi: Galinier-Warrain, Angéline, 2021, «Glandes sébacées: qu’est-ce que c’est?», Passeport Santé, https://www.passeportsante.net/fr/parties-corps/Fiche.aspx?doc=glandes-sebacees#:~:text=La%20glande%20s%C3%A9bac%C3%A9e%20est%20un,ext%C3%A9rieures%20et%20de%20la%20d%C3%A9shydratation.

Consulter l’article des pros de la petite enfance.

Photographie d’illustration: Fancycrave1 pour Pixabay.com