Chaque chapitre propose une synthèse accessible des avancées scientifiques récentes concernant les perceptions tactiles, leur illustration par plusieurs extraits littéraires et un inventaire ordonné du vocabulaire courant permettant de les exprimer en français.

 

Couverture de l'ouvrage : sur un fond beige, le nom de l'auteur ainsi que le titre s'affiche, tandis que le logo de la collection, une main dessinée dans un style gravure fin dix-neuvième pointe un doigt vers le titre

 

Quatrième de couverture

«Ce livre est encore plus nécessaire dans le «monde d’après», où la pandémie de Covid-19 a ravivé certains préjugés concernant le toucher, dont le «monde d’avant» était tout juste en train de se libérer. La première partie passe en revue Comment dire les propriétés tactiles, : la température, l’hygrométrie, le poids, , la consistance, la texture, la forme et la vibration. La deuxième partie se consacre au Toucher en situation pour approfondir son rôle dans nos actions, sa place dans nos systèmes de pensée, sa fonction d’alerte par la douleur et sa contribution aux pratiques de soin. Son enjeu est aussi de comprendre pourquoi le rôle du toucher dans notre vie et la présence du vocabulaire tactile dans notre langage passent souvent inaperçus. L’index des mots commentés et l’index des auteurs cités permettent aux lecteurs de feuilleter l’ouvrage en fonction de leurs points d’intérêt.»
Avec des textes de James Agee, Honoré de Balzac, Muriel Barbéry, Olivier Berger, Bi Feiyu, Italo Calvino, Albert Camus, Patrick Chamoiseau, Christos Chrissopoulos, Albert Cohen, Sandrine Collette, Bertille Cousin, Régine Detambel, John Dos Passos, William Faulkner, Thierry Faure, Jim Fergus, Jonathan Franzen, Anna Gavalda, Jean Giono, Ernest Hemingway, Nathan Hill, Victor Hugo, France Huser, Jean Malaquais, Eduardo Manet, William McIlvanney, Céline Minard, Toni Morrison, George Orwell, Daniel Pennac, Laura Restrepo, Hernán Rivera Letelier, Santiago Roncagliolo, Oreste Sacchelli, Dan Simmons, John Steinbeck, Daniel Tammet, Pablo Tusset, Alexandre Vialatte, John Edgar Wideman et Stefan Zweig.

Extrait de la préface du professeur Alain Rabatel

«Les inventaires raisonnés proposés par Bertrand Verine nous font prendre conscience des relations oubliées entre certaines expressions opaques et leur origine sensorielle, comme c’est le cas pour un vin chambré ou frappé, un poids accablant, une crème ou une assise étoffée. Ils mettent en relief le caractère d’abord tactile de la crispation, de l’angoisse ou de l’anxiété, ou encore, de façon inattendue, le caractère d’abord abstrait de lourd, de brut et de rude. De même, le curieux appréciera des détails peu connus sur morfondu, figé ou floqué, des ajouts aux dictionnaires sur vibrer ou blottir, des éclaircissements sur des particularités perceptives comme les doubles consistances ou les formes doubles.»

Référence

Verine, Bertrand, 2021, Le Toucher par les mots et par les textes, Paris, L’Harmattan (collection Dixit grammatica), ISBN 978-2-343-23883-8.
Lire l’Avant-propos de l’auteur et la Préface d’Alain Rabatel sur le site de L’Harmattan.

Extraits de l’interview de l’auteur par Denis Guérin en février 2022


[…]
Question 2. Votre livre rend compte des propriétés tactiles, du rôle du toucher dans nos actions, nos soins et nos systèmes de pensée. Pourquoi avoir écrit cet inventaire et rédigé cette mise en perspective systémique sur le toucher ?
Parce que les personnes voyantes, en Occident, l’ont totalement mis en inconscience depuis 150 ans, au point que beaucoup ne se rendent plus compte de tout ce que cela leur apporte, et sont mal à l’aise lorsqu’une personne touche, que ce soit dans un but professionnel ou en raison du handicap visuel. Elles ont besoin de réapprendre à toucher et à parler de leurs sensations, mais, justement, on apprend à regarder, à écouter et même à goûter, jamais à toucher.
[…]
Question 4. Dans la hiérarchie culturelle des perceptions, notre société est majoritairement basée sur le sens visuel. La vision, si riche en détails et si rapide dans l’acquisition d’informations est-elle survalorisée? Faut-il se soucier plus de notre sens du toucher dans le futur ?
L’école continue à enseigner que l’espèce humaine possède cinq sens, mais elle n’éduque méthodiquement que la vue et l’ouïe, et encore, heureusement pour l’ouïe qu’elle est le canal principal du langage, et que le marché de la musique est très lucratif… Jusqu’aux années 1990, toute la créativité industrielle était orientée vers des images plus nombreuses et de meilleure qualité. Mais de plus en plus de gens ont fini par saturer, par avoir besoin de revenir à plus de diversité et de réalité. L’artisanat et les loisirs créatifs sont redevenus à la mode. Aujourd’hui, même les informaticiens travaillent sur le toucher, d’abord pour rendre les robots plus performants ou pour améliorer la chirurgie assistée par ordinateur, mais aussi pour que, dans quelques années, notre tapis de souris puisse nous transmettre la texture du vêtement que nous achetons sur internet.
Question 5. C comme « Covid ». Qu’est-ce que cette pandémie a modifié ou ravivé concernant le toucher ?
En 2019, la société disait encore trop souvent « Défense de toucher » et, comme par hasard, elle oublie de dire aujourd’hui que le corona virus se transmet par la respiration et par la salive, mais pas par la surface des objets ni même par les mains, surtout si on les lave régulièrement, ce qu’on était déjà censé faire avant la pandémie… « Limiter les embrassades » et porter un masque sont donc des consignes raisonnables, mais « Ne pas toucher » est un slogan inapplicable qui entretient la psychose au lieu de nous apprendre à être attentifs.
[…]
Question 7. Est-ce que le sens du toucher a des secrets ?
Actuellement, son principal secret est qu’on n’en parle pas assez et qu’on ne le cultive pas consciemment. Je rêve d’une société où on choisirait d’échanger certains de ses secrets tactiles et de garder les autres pour soi, tout comme on le fait pour ce qu’on voit et pour ce qu’on entend. Toutes les personnes qui excellent dans un domaine créatif ont des secrets tactiles : les artisans, les musiciens, les soignants (créateurs de bien-être). Mais presque toujours, par manque d’habitude d’en parler, ils considèrent qu’on doit les découvrir par soi-même, en tâtonnant.
Question 8. Toucher soigne et calme nos angoisses. Du fœtus à la fin de vie, bien des maux physiques comme psychologiques sont soignés par le toucher et occupent des disciplines entières : Kinésithérapie, ostéopathie, santé sexuelle, examens cliniques, acupuncture, massages, art-thérapies, maternité, développement personnel, etc. Vous dites d’ailleurs dans votre livre : « on a assez vite redécouvert que soigner comporte une part irremplaçable de contact physique ». Le corps par le corps ?
Plutôt le corps constamment présent, en interaction avec l’émotion et avec l’intelligence, qu’on a fait l’erreur de séparer en trois entités hiérarchisées qu’on pourrait isoler selon les moments et les activités. En particulier, on accorde plus d’attention au corps et au toucher des bébés et des personnes âgées. Entre les deux, le corps doit être une machine prête à l’action, dont les perceptions doivent être fonctionnelles, les émotions contrôlées et l’intelligence souveraine. Heureusement, la déculpabilisation de la sexualité entre adultes consentants et la mode du sport ont commencé à montrer que le corps, l’émotion et l’intelligence peuvent coopérer de manières très diverses dans toutes sortes d’activités, notamment pour la prise en compte de l’autre, du partenaire.
Question 9. En parcourant votre livre, il me vient une théorie que j’aimerais partager avec vous… La vue, c’est un outil pour prendre connaissance de l’information de loin, en avance des autres sens. L’ouïe serait plutôt un contact de mi-distance. L’odorat joue la carte de la détection de proximité tandis que le toucher et le goût, sont des acquisitions fines, exclusivement réservées au « très près ». Comme si chaque sens ou chaque combinaison de sens servait un large spectre d’acquisition des données chez l’humain, possiblement en rapport avec la distance d’elle à nous ? Donnée très importante pour se sécuriser et garder notre intégrité ? Qu’en pensez-vous ?
J’en pense du bien, à condition de toujours mettre en avant la combinaison des sens, de ne pas se replier sur le tout sécuritaire, le tout distanciel et l’intégrité crispée sur elle-même. De toute façon, le temps se chargera de la défaire, notre intégrité. Vivre c’est prendre des risques, mais, si l’on veut vivre longtemps, des risques calculés. C’est d’abord à cela que doivent servir la combinaison des sens et la coopération entre le corps, l’émotion et l’intelligence. Puis à créer des moments de bonheur, pour nous et pour autrui.
Lire l’intégralité de l’entretien sur le site du CTEB.

Photographie d’illustration: couverture de l’ouvrage – L’Harmattan.